Même si la campagne vaccinale est en pleine progression, le sentiment d’inquiétude qui imprègne de nombreux secteurs ne s’est pas pour autant dissipé. Le marché de l’immobilier, connu pourtant pour sa résilience y compris au plus fort de la crise, n’échappe pas à la règle. Les acquéreurs, notamment, qui restent motivés pour de nouveaux achats, doivent composer avec les difficultés engendrées par les différentes restrictions sanitaires. Quelles sont leurs principales préoccupations ? Quel est l’état actuel du marché des crédits immobiliers ? Nous faisons le point avec Ludovic Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage.
L’évolution des taux et des conditions d’octroi des crédits
Même si l’on n’en pas encore fini avec la crise sanitaire, on peut d’ores et déjà constater que le marché des crédits renoue peu à peu avec sa dynamique d’avant la pandémique. Nos partenaires bancaires acceptent à nouveau, certes de manière progressive, d’examiner de nouvelles demandes de crédit immobilier. L’on constate en même temps que les préoccupations des acquéreurs évoluent, comme en témoigne notre dernière étude réalisée en collaboration avec OpinionWay indiquant que 74 % des Français anticipent une probable hausse des taux de crédit immobilier.
Si les acquéreurs s’attendent à ces que les établissements bancaires revoient leurs taux à la hausse, c’est parce que ces derniers l’ont déjà fait dans un passé récent. En l’occurrence, en avril 2020, on a constaté une hausse des taux de l’ordre de 0.15 à 0.50 %, indépendamment des profils des acquéreurs ou des types de biens pour lesquels ces derniers demandent un crédit – résidence principale, résidence secondaire ou bien locatif. Les banques expliquent leur décision notamment par la hausse de l’obligation assimilable au trésor, ou OAT, à dix ans, passant de -0.30 à +0.10 %.
Les Français craignent également que les conditions d’obtention de crédit se durcissent après le confinement. Selon notre étude, 81 % des personnes interrogées redoutent en effet que les banques deviennent plus exigeantes pour accorder des prêts et 77 % d’entre elles pensent que les délais pour les obtenir vont s’allonger.
Il est important de rappeler que le durcissement des conditions d’octroi des crédits a commencé bien avant la crise sanitaire. Les banques ont suivi les recommandations du Haut Conseil de la stabilité financière de 2019, selon lesquelles ces établissements devraient faire preuve de prudence dans l’octroi des crédits : ces derniers ne devraient être accordés qu’à des ménages dont le taux d’endettement ne dépasse pas 33 %. Le HCSF préconisait en outre la fin de la distribution de prêts s’étalant sur plus de vingt-ans.
Avec l’application de ces recommandations, nombreux sont les ménages qui se sont vu refuser leur demande de financement. Dès lors, un climat s’est installé, ce qui a conduit l’Association professionnelle des intermédiaires en crédits, ou APIC, de demander au HCSH un moratoire sur lesdites préconisations, le temps d’avoir toutes les données sur les acteurs du logement mais aussi d’étudier les mesures à mettre en œuvre pour faciliter la reprise de l’activité dans la perspective d’une sortie de crise.
La baisse des taux d’usure devient problématique dans certains dossier
Les banques sont tenues d’appliquer des taux minimum quand elles examinent des demandes de financement. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte pour l’application de ces taux, notamment le taux d’intérêt nominal mais aussi l’assurance décès-invalidité, la garantie du crédit ou encore les frais de dossiers et de courtage. La Banque de France publique chaque trimestre les taux d’usure qui s’imposent aux établissements bancaires ; elle porte aussi à la connaissance du public les taux effectifs moyens pratiqués par les banques.
On observe depuis le 1er avril 2020 une baisse des taux d’usure. Ils sont par exemple à 2.40 % pour les prêts fixes compris entre dix et vingt ans, et à 2.51 % pour les crédits remboursables sur vingt ou plus. Ils sont, en somme, assez faibles.
La baisse des taux d’usure est problématique dans le traitement de certains dossiers, rendant même certains candidats inéligibles malgré leur solvabilité. Parmi les cas les plus fréquents, on retrouve notamment les emprunteurs qui se voient appliquer un taux d’assurance décès-invalidité particulièrement élevé, à l’image des seniors. C’est également le cas des acquéreurs qui, pour avoir déclaré avoir un problème de santé, doivent s’acquitter d’une surprime. Sans oublier ceux qui, en raison des risques liés à leurs métiers (pompiers, militaires…) paient une assurance plus cher que les autres.
En cas de promesse de vente, les délais de promesse de vente continue de courir normalement
En pleine crise sanitaire, certaines disposition législatives ou réglementaires passent presque inaperçues quand bien même elles auraient des incidences non négligeables au quotidien. C’est le cas entre autres de l’ordonnance du 15 avril 2020 qui apporte une modification sur les délais de rétractation suite à la signature d’une promesse de vente. Le texte prévoit notamment que lesdits délais continuent de courir normalement. En réalité, il revient sur une autre ordonnance qui, elle, rallongeait les délais de rétractation ou d’instruction des demandes d’urbanisme. La nouvelle ordonnance revenait en somme au statu quo.